« Vous avez aujourd'hui en France 222 bandes recensées (…) [elles] sont à 79% en région parisienne ». Ces déclarations du ministre de l'intérieur, Michelle Alliot-Marie, font suite aux événements commis entre autres à Gagny, aux Mureaux et à Montgeron. Dans la première de ces villes, le 10 mars, un groupe d'une vingtaine d'individus encagoulés et armés de barres de fer, de bâtons et de couteaux ont fait irruption dans un lycée et y ont légèrement blessés douze personnes. Samedi dernier, aux Mureaux, c'est un guet-apens qui a été tendu aux forces de l'ordre où une arme à feu a même été utilisée contre ces derniers. Toujours dans cette série d'événements violents, c'est un commissariat qui a été la cible le 15 mars, d'une fusillade à Montgeron.
Pour répondre à ces actes commis en « bandes », le président de la République a annoncé, lors de son passage à Gagny, seize mesures qui vont de la répression à la sanction. La principale annonce concerne la création d'une peine de trois ans d'emprisonnement "pour participation en connaissance de cause à un groupement, même formé de manière temporaire, poursuivant le but de commettre des atteintes volontaires contre les personnes ou contre certains biens". Les autres mesures se rapportent notamment à la mise en place de cent unités territoriales de quartier, et au lancement d'un fichier dédié "aux violences urbaines et au phénomène de bandes".
Cette intervention de Nicolas Sarkozy, qui s'inscrit dans un contexte social tendu, n'est pas sans rappeler le thème qui a permis son ascension jusqu'à briguer un mandat à la tête du pays. C'est en effet sur sa politique sécuritaire qu'il a commencé à construire sa notoriété vis à vis du grand public, et ce, lorsqu'il était ministre de l'intérieur (de 2002 à 2004 puis de 2005 à 2007). Alors, fait-on face à un écran de fumée comme certains l'avancent? Il y en a assez pour penser que l'on est en présence de « l'effet faits divers » (qui sont médiatisés et dont la succession est très rapprochée) et qui a pour principal trait la nécessité d'une réponse de la classe politique. Cela se traduit par la mise en place de nouvelles mesures, qui sont souvent des lois, mais parfois jamais appliquées - alors qu'elles ont été votées sous le coup de l'émotion - faute de décrets (c'est le cas de la législation sur les chiens dangereux et les mini-motos). Conséquence : il arrive que l'on soit dans l'annonce, seule, qui masque l'impuissance du pouvoir et renforce une insécurité, qui elle est juridique.
Magistrats et policiers restent partagés sur l'application de ce nouvel arsenal sécuritaire,. « C'est le retour à la loi anti-casseurs des années 70 et de la loi sécurité et liberté de 1979 qui avaient créé (…) le principe d'une responsabilité pénale collective », affirme anonymement un magistrat de Seine-Saint-Denis. En revanche, pour Bruno Beschizza, responsable de Synergie (deuxième syndicat policier), cela « aura des effets positifs et permettra de condamner auteurs et complices d'un caillassage (…) ». Mais comment pourra-t-on distinguer les délinquants de curieux venus observer ce qui se passe, voire de simples passants? M. Beschizza reste prudent et s'interroge sur ce « que dira le Conseil Constitutionnel ». Quant à l'Unsa-police (premier syndicat policier) et le syndicat national des commissaires de police (SCPN), rien ne sert d'enchérir, le contenu « juridique est suffisant pour réprimer. »
Reste à savoir de quoi on parle : « le problème est que le ministère de l'intérieur ne définit pas ce qu'il entend par « bande organisée » indique le sociologue Marwan Mohammed* sur lemonde.fr. D'ailleurs, « les chiffres sur les bandes sont lancés comme ça dans la presse, mais on ne connaît ni les ingrédients, ni la recette, ni les conditions de cuisson (...) » ajoute-t-il. En résumé, c'est ce qu'il faut pour entretenir le flou, voire inciter au « tout sécuritaire » et stigmatiser encore un peu plus les jeunes et les quartiers sensibles, malgré l'existence de fortes demandes d'un tout autre ordre.
Par Aziz, Nicolas G. et Najib
*Co-auteur avec Laurent Mucchielli du livre « Les bandes de jeunes », édition La Découverte, Collection Recherches, 2007
Pas mal l'image avec le papier toilettes ^^...
Rédigé par : Nicolas G | 26 mars 2009 à 12:45