Née de la nécessité d’accueillir des populations nouvelles, la banlieue n’a jamais connu une image stable et juste. À travers son histoire, habitants, architectes, cinéastes et médias y ont porté leurs regards dans une cacophonie d’espoirs et d’angoisses
Les années 20-30 : la banlieue, paradis perdu
Du XVIIIe siècle aux années 1920, la banlieue parisienne s’émaille de maraîchers et de beaux pavillons. Elle conserve l’image d’un paradis à la fois accueillant et nourricier, où le thème idyllique du jardin contraste avec le tumulte de la ville bruyante et polluée. On vient s’y délasser pour les loisirs. La pureté de l’air de banlieue, notamment, sera vantée par les classes les plus aisées jusqu’en 1936, date à laquelle les congés payés autorisent les ouvriers à en profiter à leur tour. Peu à peu, le développement du rail et des gares en périphérie de Paris permet aux classes modestes entassées dans la capitale d’acheter des lopins de terre vendus par des sociétés de lotisseurs qui proposent d’immenses propriétés à la découpe. Fuyant les zones ouvrières, dont les rues sont souvent assombries par d’épais nuages de fumée, on estime à 1 million le nombre de personnes venues résider dans des lotissements autour de Paris pendant l’entre-deux-guerres. Les agglomérations de Lyon, de Bordeaux, de Lille, du Havre, de Rouen ou de Rennes connaissent elles aussi le même phénomène. Pour beaucoup, c’est l’unique moyen d’accéder à la propriété. Les acquéreurs qui construisent ensuite leur propre maison apprécient ce « sam’suffit » qu’ils peuvent améliorer au fil des ans, et le potager qui agrémente les fins de mois. Mais en l’absence de réglementation précise d’urbanisme, ces lotissements se construisent dans le plus grand désordre. L’essentiel pour l’entrepreneur qui se charge de dessiner rues et canalisations est de réaliser le plus de bénéfices avec le moins d’équipements possibles. En 1927, un étude signale que 185 000 lots ne sont pas desservis en eau potable, électricité et égouts. « Le fléau du lotissement s’est considérablement aggravé ces dernières années, s’emporte alors le géographe Édouard Bruley. Bientôt, tous les parcs et tous les champs auront disparu dans un rayon de 30 km autour de Paris. […] Les malheureux acquéreurs, perdus dans la boue, loin de tout centre habité, se voient ruinés sans recours » De plus en plus, le lotissement pavillonnaire devient à un anti-modèle pour les aménageurs qui lui préfèrent déjà le logement collectif.
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