Le soir du 31 octobre, un samedi, je me trouve, avec Younes, à l'Espace Fraternité d'Aubervilliers pour une soirée "Turkish Nuevo Tango". Rencontre inattendue entre un groupe turc qui fait du tango... turc et un Argentin qui fait... de l'électro. A rencontre insolite, lieu de concert insolite: la salle, un chapiteau qui ressemble comme deux gouttes d’eau au Cabaret Sauvage, est au milieu d'un centre industriel un peu sinistre. L'ambiance turco-argentine est bien mise en scène.
A l'entrée se trouve une banderole: "Jeunes pour Hrant Dink, la reconnaissance" : on y voit des Stambouliotes pris en photo par Marc Melki lors d'un hommage au journaliste turco-arménien, assassiné à Istanbul par un nationaliste. Plus loin, des Argentins vendent des grillades typiques du pays. Avant le début du concert, un atelier tango est organisé: des courageux écoutent religieusement les consignes d'une danseuse : « Suivez le rythme, sentez les choses, laissez-vous emporter... » A 21heures, le Kolektif Istanbul entre en scène, ils sont cinq: un saxophoniste, un batteur, un flutiste, un accordéoniste et une chanteuse. Pour la première fois de ma vie, j'entends du tango turc. La musique ne ressemble pas au tango argentin, le rythme est plus rapide, plus oriental. D'ailleurs, sur la piste, les spectateurs ne dansent en rien le tango traditionnel. En fait, l'histoire de ce mélange est assez singulière. En Turquie, dans les années 30, Mustapha Kemal Atatürk interdit la musique orientale et encourage, pour « moderniser » le pays, la musique occidentale, notamment le Tango. Mais les Turcs, au fil du temps, l'adaptent à leur manière, l'orientalisent pour faire court. Axel Krygier, le DJ argentin, n'en n'avait jamais entendu. C'est grâce à une amie en commun que leur rencontre a eu lieu. Autodidacte, l'Argentin est un touche-à-tout.
Ce n'est pas cette rencontre qui lui fait peur mais elle n'est pas non plus facile. Axel raconte qu'ils « ont très peu répétés » et qu' « [il] ne sait pas jusqu'à quel point ce sera bien ». Richard Laniepce, franco-turc, leader du Kolektif, parle de « projet un peu tiré par les cheveux ». La communication n'est pas non plus aisée : l'Argentin parle en français, et parfois en anglais, avec Richard et sa femme, chanteuse, mais avec les autres membres ils parlent avec « les mains ». Si la musique est sans frontière, elle ne se fait pas sans travail. Celui-ci se poursuivra peut-être avec un album mais ce n'est encore qu'un projet.Myspace de Axel Krygier: http://www.myspace.com/axelkrygier
Site de kolektif istanbul: http://www.kolektifistanbul.com/
Aziz Oguz
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