Après une enfance brisée et une adolescence dangereuse, mon ami Wesley réussira-t-il à donner à sa vie une nouvelle direction ? La vie lui sourira-t-elle un jour ?
Le jour où j’ai revu Wesley, je marchais dans le quartier des Halles, plongé dans mes pensées. Il m’a semblé reconnaître un visage dans la foule. Mon premier réflexe : ne pas m’arrêter. Depuis ma sortie de prison, un mois auparavant, j’avais décidé de limiter mes « mauvaises fréquentations ». Mais tout d’un coup, je l’ai reconnu : Wesley, que je n’avais pas revu depuis 6 ans. Quand nous avions 15 et 17 ans, nous avions fait les pires bêtises. Je me souviens du jour où on avait tendu un guet-apens à des gars d’une autre cité. On leur avait dit de venir avec 3000 francs pour acheter un lot de téléphones portables qu’on leur avait promis. Nous étions quatre. Lequel d’entre nous irait à leur rencontre, seul, pour « gérer la transaction » ? Wesley était le plus jeune mais le plus déterminé. Il s’est porté volontaire. Pendant que nous attendions dans la voiture, près de la gare de notre quartier, il s’est éloigné, capuche baissée. Cinq minutes plus tard, on le voit revenir en courant et s’engouffrer dans la voiture sans un mot. On démarre en trombe. Pendant plusieurs secondes, on se demande s’il a réussi. Il cède enfin à nos questions et nous raconte comment il les a braqués avec un pistolet. Il leur a tout pris, même leurs propres téléphones portables. Nous étions admiratifs : il était allé jusqu’au bout. Après le partage du butin, il est parti, comme il faisait toujours. Et puis, un beau jour, on ne l’a plus revu. Avait-il quitté la France ? Était-il mort ? Il nous parlait souvent de sa famille. J’ai compris seulement plus tard qu’il s’en inventait une pour paraître moins seul.
Tous ces souvenirs me sont revenus quand je l’ai vu dans cette rue des Halles. On s’est « tchecké » (salué). On a parlé pendant des heures. Lui aussi avait changé. On avait connu les mêmes galères. Lui aussi avait fait de la prison. Et lui aussi voulait se ranger.
Après une enfance terrible — orphelin passant d’une famille d’accueil à l’autre, abusé, livré à lui-même à 12 ans — il avait assez vécu pour savoir qu’il voulait changer de vie. Il s’était construit seul, depuis l’enfance, et continue aujourd’hui ce travail de construction.
Pour certaines personnes, la vie est une épreuve impitoyable, perpétuelle. Le prix à payer est alors plus cher. Surtout lorsque l’on est seul, sans aucun soutien moral ni financier, sans aucune véritable affection. Pourtant, nous sommes tous appelés à l’affronter de la même façon, peu importent les critères et les moyens dont on dispose. Comme le dit Wesley lui-même : « nous, enfants des villes, nous avons les mêmes besoins et envies d’affection que n’importe quel enfant. Ce vide affectif peut créer une instabilité sociale et morale ».
Aujourd’hui, son travail de construction passe par l'écriture. Il écrit un livre sur sa vie. Un moyen pour lui de s’accepter, d’ouvrir un nouveau chapitre.
Jerry
Les commentaires récents