Roosa, 21 ans, Tina 21 ans, et Ines, 24 ans (de gauche à droite) nous racontent leur parcours d'expatriées. On a pu les croiser toutes les trois au centre tchèque à Paris à un concert de jazz. Mais elles viennent toutes d'horizons très différents et ont beaucoup voyagé à travers l'Europe, offrant un regard particulier sur les migrations subies ou choisies.
Inès ne se sent chez elle « qu’à
l’aéroport ». En effet, malgré son jeune âge, cette étudiante explosive a
déjà vécu dans cinq pays. Cette bougeotte chronique semble avoir des
racines prénatales : son père
tunisien et sa mère bulgare se rencontrent pendant leurs études à Prague. Mais
c’est a Sousse, dans l’est de
la
Tunisie, qu’elle naît et vit jusqu’à l’age de cinq ans. De ses premiers souvenirs jaillissent des la
vison d’un pays paisible et chaud, parfois étouffant . Elle quitte bien vite le
soleil méditerranéen pour la
Bulgarie de sa mère, où ses parents partis en République
Tchèque sont contraints de la laisser un
an à ses grands-parents. Elle y gagne une nouvelle famille proche et
attentionnée, mais y perd l’usage et la connaissance de la langue arabe et
lorsqu’elle rejoint ses parents un an plus tard à Prague, elle n’est alors plus
en mesure de communiquer avec son père. Mais la petite apprend vite le tchèque
ainsi que certaines dures réalité de la condition d’expatrié. Car le délit de
faciès est son quotidien dans cet État, quel que soit le régime politique au
pouvoir ; à cela s’ajoute l’isolement dans un lycée français qui semble
régi par une sorte d’organisation tribale où le clan des Français domine de manière arrogante et où celui
des Bulgaro-Tunisiens qu’elle constitue à elle seule ne fait pas le poids.
S’étant toujours sentie étrangère dans ce pays, elle n’en renie pas moins, avec
le recul, la culture tunisienne, qu’elle considère comme archaïque, notamment sur
les questions du statut de la femme.
Il est vrai qu’elle n’hésite pas
à discuter avec ses amies de ses relations et autres turpitudes sexuelles façon
« Sex in the city » lorsque, le bac S en poche, elle
émigre à Lausanne pour entrer à l’école polytechnique et y découvrir une Suisse
cosmopolite, chaleureuse et ouverte. Le contact est facile et les rencontres
sont nombreuse. Elle avoue y avoir passé ses « plus belles années
d’étudiante ». Elle y rencontre souvent des étrangers de tous bords et
peu de Suisses, comme si le statut d’expatrié vous attirait, par le biais d’un
fluide invisible, vers les autres
expatriés. En fait, cette difficulté de contact avec les indigènes se vérifie
lors de son arrivée en France à l’âge de 22 ans, pour y suivre des études
d’histoire à la
Sorbonne. Elle trouve les Français « assez
coincés » et ici encore, ses amitiés sont majoritairement étrangères. Il
n’est donc pas étonnant d’apprendre que cette passionnée de tango et de
salsa ambitionne de travailler au sein d’une
organisation internationale. Ses expériences à travers le monde ne pourront alors être qu'un atout.
Tina
« Je suis arrivée à Paris par hasard », nous confie
Tina près du bar du centre tchèque de la rue Bonaparte. En Allemagne, il est
courant que les jeunes gens s’expatrie une année à l’étranger, généralement
dans un autre pays d’Europe. Alors Tina fonce lorsqu’on lui propose d’être
hébergée dans une famille d’accueil parisienne à l’âge de 16 ans. Elle y
voit une opportunité de renforcer un caractère déjà bien trempé. Pourtant, sa
naissance à Bergenstadt, un bled limite paumé
près de Cologne, ne semblait pas présager un parcours comme le sien. Mais
comme souvent, c’est d’abord de manière subie qu’à l’âge de 5 ans, elle prend la
direction de
Roosa
Derrière ces
petites lunettes rectangulaires se cache une jeune fille en apparence
réservée. Cependant, le parcours de Roosa tient de celui d’une
baroudeuse
expérimentée. Car si c’est au centre Tchèque de la rue Bonaparte à
Paris qu’on
la croise, cela aurait pu être tout autant dans les plaines du
sud-ouest finlandais, à Turku, où
elle est née et a passé sa petite enfance, que dans la cosmopolite
Bruxelles.
Suivant les pérégrinations de son père, Mikko Paakkola, artiste
peintre
reconnu, et de sa mère enseignante, elle parcourt l’Europe et découvre
en
famille les différences d’atmosphère et de culture dans l’espace
pourtant
réduit du continent. « Je ne suis jamais sortie d’Europe » regrette-t-elle. Mais lorsqu’elle débarque à Paris à 18 ans plutôt que de rester
avec
ses proches à Bruxelles, c’est le tempérament aventureux qui rejaillit.
Avoir
passé son enfance à bourlinguer entre différents pays laisse quelques
traces et,
si elle s’affirme finlandaise, elle se sent aussi « étrangère en
Finlande ». S’installer à Paris, c’est aussi revenir à la recherche de
fragments de son enfance, car c’est le lieu de ses premiers souvenirs.
En effet,
elle y a vécu par intermittence pendant plusieurs années, entre ses 3
ans et ses 6 ans. Passionnée d’art, il lui était naturel de venir
étudier dans la
ville Lumière, même si le contact avec les Français est parfois
difficile.
Car inscrite à la fac d’histoire de la Sorbonne, elle ne vit plus dans
la « bulle d’expatriés » où elle évoluait lors de sa scolarité au lycée
européen de Bruxelles, ni dans l’insouciante liberté dont elle
jouissait dans
son pays natal. Seule pour de vrai, elle juge parfois les Français
« immatures », non pas qu’elle se sente si sûre d’elle, mais il est
parfois difficile de trouver des atomes crochus avec des purs
autochtones qui
ne sont jamais sortis du périph’ sauf pour aller au club Med. En effet,
au-delà
de la porte Dorée, certains paniquent déjà, alors imaginez un petit bout
de
femme débarquant plein d’espoir de sa Finlande (euh… c’est où déjà ? les
chewing-gums ?
le père Noël ? enfin, là où il fait froid…). Mais une fois bien «
intégrée » (car
il faut bien entendu utiliser le vocabulaire conventionnel de
l’immigration),
elle se plaît à Paris, où elle vit maintenant depuis 3 ans, et
devrait même
rempiler pour une 4e année. Mais n’allez pas croire qu’elle va
longtemps s’y incruster. Elle a même hésité à émigrer à Berlin avant de changer d’avis. Mais si vous voulez
la croiser dans la capitale, faites vite, car il est probable que son goût pour
le voyage la reprendra bien vite…
Bravo pour votre article et pour le lancement de cette initiative sur Epinay. J'espère que vous vous y épanouirez et que vous nous apporterez une vision neuve et originale des sujets que vous allez traiter. Moi-même responsable d'un blog alimenté par des jeunes de banlieues (le 109.2 Nanterre), je vous invite à venir nous rendre visite pour, pourquoi pas un jour, tisser un pont entre Epinay et Nanterre.
Bonne continuation
Rédigé par : Rnld | 29 juin 2007 à 13:01