Après la Seconde Guerre mondiale, les destructions, la croissance de la natalité, la poursuite de l’exode rurale et l’afflux de main d’œuvre étrangère ont créé des besoins colossaux en domiciles. Des milliers de personnes s’entassent dans les bidonvilles autour de Paris, Lyon et Marseille. Lors de l'hiver 54, particulièrement rigoureux, l'Abbé Pierre lance un appel poignant pour abriter les plus déshérités. Dans les médias des années 50, la banlieue n’est ni identifiée, ni décrite. Elle apparaît, à travers ses vastes espaces disponibles, comme la solution à « la question du logement ». En 1966, le ministère de l’Intérieur lance le programme d’éradication de ces « Campements de misère » qui bordent les grandes villes françaises. C’est le moment pour les défenseurs des grands logements collectifs de proposer leur vision rationnelle de la ville, organisée autour de ses grandes fonctions : « habiter, travailler, se récréer, circuler ». À ce titre, le grand ensemble de Sarcelles, par exemple, jouit d’abord d’une très bonne image, faite du progrès que recèle cette nouvelle conception du logement (confort, hygiène, appartements spacieux…). Pour Le Corbusier, chef de file du mouvement architectural fonctionnaliste, « la ville devient un parc immense, une ville verte où le sport est au pied des maisons », où chaque logis « bénéficie des joies essentielles, ciel, arbres, vue, soleil ». En quelques années, la région parisienne va se couvrir d’immenses chantiers de construction. Mais très vite, l’État se heurte aux résistances des communes épargnées. Très cloisonnée en communautés, la banlieue devient un lieu de non-rencontre où la rumeur ne cesse de véhiculer les clichés. Les habitants des bidonvilles passent pour de dangereux marginaux. Une étiquette collée au front de 40 000 personnes en région parisienne, parmi lesquels figurent les premiers visages portugais et maghrébins venus participer à la reconstruction. On voit des conseils municipaux menacer de démissionner si les foyers pour travailleurs étrangers devaient se construire sur le territoire de leur commune. Pourtant, les foyers Sonacotra (Société nationale de construction pour les travailleurs) constituent un élément de calme partout où ils sont substitués à des bidonvilles. Malgré tout, l’asphalte fait souvent disparaître l’image idéalisée de la ville verte. La nécessité d’offrir des infrastructures adaptées à la croissance de l’automobile introduit parkings et routes au cœur des cités. Si la télévision insiste à la fin des années 50 sur le caractère pionnier de ces cités, elle pointe aussi les inconnues que ces aménagements laissent en suspens, comme les risques de propager la délinquance en raison du manque d’équipements ou l’anonymat des individus. En 1960, un reportage de Cinq colonnes à la une conclut ainsi : « Les grands ensembles sont-ils un mal nécessaire ou un nouvel aspect du plaisir de vivre ? Ce sera à ses enfants, si vous le voulez bien, de répondre dans quelques années ».
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