Des Comores à l’IUT de transport et logistique d’Evry, le parcours semé d’embûches de Mahamoud, raconté par Najib, qui l’a connu à son arrivée à Paris 13.
Mahamoud n’a pas souhaité que sa photo apparaisse sur le blog. Nous lui avons alors demandé quel lieu symbolisait la France à ses yeux. Réponse : la grande Arche de la Défense, qui représente « le lieu des affaires. Toutes les grandes entreprises françaises et étrangères sont à la Défénse. C’est mon rêve d’y travailler un jour. »
Je me souviens des premières rencontres avec Mahamoud, fraîchement arrivé des Comores, pays francophone composé de plusieurs îles, au sud-est de l’Afrique. C'était à la fac de Paris 13, sur le site de Villetaneuse, en novembre 2006. Débarqué en milieu de semestre, il se rapproche logiquement de compatriotes comoriens déjà présents. Mais, rapidement il s’aperçoit qu’il n’est pas si facile de suivre les cours magistraux. Il trouve que les enseignants vont vite. Et c’est là que le contact entre Mahamoud et moi s’établit : il me demande les notes qu’il n’a pas pu prendre. Nous sympathisons très vite et il demande même à être dans mon groupe de travaux dirigés. Nous avons des points communs : la religion musulmane et l'origine africaine. Nous faisons ainsi connaissance. Il me parle de sa vision de la France. En positif : des infrastructures développées, des transports modernes, et des prestations sociales comme il n’en existe pas dans son pays. Il apprécie également la galanterie à la française. Il reconnaît tout de même avoir été un peu étonné de certaines mœurs : « parfois les Français manquent de pudeur, comme lorsqu’ils s’embrassent en public ». Aux Comores, les gens sont plus discrets.
Mahamoud me raconte son arrivée en France, qui n’a pas été des plus agréables. Son objectif initial est d’aller en I.U.T (Institut Universitaire et Technologique). Mais il ne dépose pas son dossier d'inscription suffisamment tôt. Il décide de inscrire dans une école privée spécialisée dans l’initiation à la comptabilité, située à Paris, près de Châtelet. Cependant, après avoir payé ses frais d’inscription de 460 euros, il apprend que l’établissement est en liquidation judiciaire. A titre de comparaison, le salaire minimum des Comores avoisine les 100 euros. L’école devait être au courant plusieurs mois à l’avance mais n’a pas jugé bon d’avertir Mahamoud.
Au dernier moment, Mahamoud a dû se tourner vers une autre voie, qui ne pouvait être qu’universitaire. Seules les universités sont susceptibles d’accepter les inscriptions tardives. Le temps lui manquant pour choisir son orientation, il décide par défaut d’aller en Administration Economique et Sociale (AES) à l’université de Villetaneuse. AES étant une filière pluridisciplinaire, il se dit que certaines matières lui seraient utiles pour préparer son I.U.T de transport et logistique. De plus, « pour un titre de séjour il faut faire des études ». Mais sa demande d’inscription arrive très tard, et il n’a pas non plus rempli de dossier dans son pays d’origine. Grâce à l’association Liste alternative qui est intervenue, le président de l’université de Villetaneuse accepte finalement d’inscrire Mahamoud.
Au fur et à mesure de nos discussions, je me rends compte que Mahamoud fait preuve d'une grande maturité, contrairement à beaucoup d’élèves de première année. Il suit l’actualité française, lit les journaux, regarde la télévision, navigue sur le web, se tient au courant des débats de société et de ce que pensent les intellectuels. Il est conscient que comprendre le monde qui l’entoure l’aidera à mieux s’intégrer en France. Être cultivé est un plus dans ses études. Surtout en AES où l’enseignement revêt une forte dimension généraliste.
En mai 2007, Nicolas Sarkozy est élu président de la république. Comme tous ses autres compatriotes, Mahamoud comprend que cette victoire est synonyme d'une politique d’immigration plus restrictive. Ces dernières semaines l'ont confirmé. Au sujet de la délinquance, Mahamoud considère qu’elle n’a pas diminué pendant la période où M. Sarkozy était Ministre de l’Intérieur, contrairement à ce que ce dernier affirme. Statistiquement les faits de délinquances ont diminué, mais quasiment pas les violences faites aux personnes. Quant au chômage qui sévit en banlieue et plus particulièrement chez les jeunes, il en fait un facteur important de la délinquance. Néanmoins, Mahamoud finit par se montrer prudent « car maintenant qu’il est président, on ne pourra le juger qu’au bout de son quinquennat ». Pour Mahamoud, la patience est une qualité essentielle…
En septembre 2007, Mahamoud intègre enfin l’IUT de transport et logistique d’Evry. Chaque jour, il effectue un trajet d’une heure et demie pour aller en cours. Il veut devenir agent de fret, même s’il pense que le chemin sera difficile : « si tu es motivé et que tu sais ce que tu veux faire plus tard, tu peux réussir ». Il envisage d'ailleurs de rester travailler en France, où « on est sûr d’avoir sa paie à la fin du mois, ce qui n’est pas toujours le cas aux Comores ».
Tsouria-Bélaïd Najib.
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