Juillet 2009, c’est reparti, mon père embarque toute la famille pour un mois au Maroc. C’est comme ça depuis toujours. Et c’est pas si sympa qu’on l’imagine
ET MERDE… Comme tous les étés, on n’y a pas échappé. Direction le Maroc. Mon père doit s’y rendre régulièrement pour acheter les produits qu’il vend sur les marchés de Seine-Saint-Denis. Et ouais ! Là-bas, c’est moins cher ! Donc un matin, ma sœur vient me voir dans ma chambre et me demande où est ma valise. Moi je comprends pas sur le moment, pensant qu’elle s’y prend à l’avance ou qu’elle me fait une blague… C’est un peu plus tard que j’apprends qu’on part le jour même ! Comme d’habitude, sur les sept enfants, je suis le dernier averti. Je m’active à fond pour régler certaines de mes priorités : trouver un livre pour ne pas devenir dingue pendant le voyage, me faire des rations de nourriture pour ne pas perdre trop de poids, et enfin aménager un coin douillet au milieu des bagages à l’arrière du camion pour y dormir (pratique pour échapper à l’ennui). C’est à peine si j’ai le temps de prévenir tout le monde sur Facebook, histoire d’avoir la compassion des copains. Rien de tout ça, au contraire on vient me dire qu’ils voudraient bien être à ma place. Tu parles !
Vu la poisse que j’ai, c’est sans surprise que je trouve toutes les bibliothèques du coin fermées, c’est désespérant ! Ca me donne encore moins envie d’y aller, déjà avec des bouquins je m’ennuie à en mourir, alors j’ose même pas imaginer sans !! Il est 23h, j’envoie un sms à tous mes contacts pour qu’on me dépanne d’un livre … réponse hésitante d’une personne, une heure plus tard. M’en fiche ! Quitte à passer pour un gros malade, je débarque chez elle à minuit et demi et réclame mes bouquins ! Je rentre chez moi avec sept gros pavés de 500 pages: enfin tiré d’affaire !Un quart d’heure plus tard, on est partis ! Je me faufile à l’arrière du camion et cinq minutes plus tard je dors comme un bébé , le ronronnement du moteur faisant office de berceuse…
Journal de bord 24 juillet / Première épreuve en enfer : Arrivé chez nous, à Marrakech. Décharger transporter nettoyer balayer dépoussiérer frotter laver essuyer frotter laver essuyer ... et quand y en a plus, y en a encore. O_o Leur ai faussé compagnie pour souffler un peu... Le mec qui tient le cyber du coin me demande : "Tu es Français ?" - "Oui" - "De Lyon ?" - "Euh ... non Paris" - "Ah bon, pourtant tu ressembles pas a une racaille !". J'essaie donc de lui expliquer qu'il n'y a pas que des racailles à Paris. De retour chez moi, je reprends le grand nettoyage. Au désespoir d'en finir au plus vite, je fais de l'excès de zèle avec le racloir : blessure au pied, la blessure baigne dans l’eau sale, prévoir infection d'une maladie incurable. Fait tellement chaud que je mets des glaçons partout (dans du lait, les yaourts, le thé, sur le front...) 25 juillet / deuxième jour : passe ma journée sous la clim du salon, sur un tapis à même le sol et bouquine toute la journée. A la tombée de la nuit on part pour les montagnes dans les environs de Ouarzazate.
26 juillet : arrivée au milieu de la nuit chez nos grands parents paternels, tout le monde rentre pour dormir sur la terrasse, moi je reste dans le camion. Impossible de dormir : des Chauves souris en pagaille, insectes bruyant excités par la lumière de l'entrée resté allumée. Bouquine jusqu'à l'aube. Découvre un chaton squelettique qui crache de terreur dès qu'on l'approche. Victime de mon imagination dans la journée: crois avoir un saleté d'insecte qui s'est faufilé dans mon pantalon. Fausse alerte.
27 juillet: à 10h environ, je me rends compte que je suis tout seul. La famille est partie au village d’en face pour dire bonjour à mes grands-parents maternels. De peur de m’ennuyer je me mets en tenue de sport : j’ai prévu de faire beaucoup d’exercice quand on serait dans ce village pour améliorer mon endurance (petite précision: on est à 2500 mètres d’altitude) je sors relever le défi: courir jusqu'au village de Telouet situé à environ 40 kms d‘ici. J’avais déjà fait le trajet avec mon oncle il y a six ans, ca nous avait pris deux jours ! J’ai bien l’intention de le faire en une journée cette fois ! Après 400 mètres de course je perd mon souffle, ca va être beaucoup plus dur que prévu. Tant mieux ! Plus ce sera dur, plus je gagnerai de globules rouges ! Au départ je suis la piste automobile actuellement en pleine rénovation mais la poussière m’asphyxie. Je descends dans la vallée, où l’on fait des cultures. Ca va me fait faire plein de détours mais au moins il y fait sensiblement moins chaud, je dirais un degré de moins mais ca fait la différence, en plus je suis abrité du soleil par la végétation ! Par contre je perds mes repères et j’ai même l’impression d’être perdu à un moment jusqu’à ce que je tombe sur un mince ruisseau, vestige de la rivière asséchée. Je me rappelle alors qu’il passe aussi à Telouet et le suit tant bien que mal. Retour à l'état sauvage, j’ai les sens en alerte, à l‘affût des bêtes et des insectes. Un chien sauvage essaie de m‘intimider de l‘autre côté du ruisseau en me montrant ses crocs, je traverse le ruisseau à sa grande surprise et je le poursuis sur un bon 500 mètres jusqu’à ce qu’il se réfugie dans les hauteurs. Tout excité, je cours comme un dingue dans les bois tout en sautant les obstacles, bondis de pierre en pierre pour traverser le ruisseau quand c'est plus praticable, ou retournant sur la piste quand je n‘ai pas le choix… Bu plus de 6 litres ce jour là, toujours aussi soif, beaucoup transpiré surtout (ça ce compte en litres sans exagérer), surchauffe: je me mets en caleçon pour faire trempette, pour fuir le soleil, croyant le coin infréquenté. Mes chaussures me font souffrir, sensation de marcher sur des lames, inflammation du genou, crampes qui m'empêchent d'avancer (mes jambes se rebellent), infection au pied (je savais que ça allait arriver), écorché par les plantes vicieuses, assoiffé et respiration rauque, plus de voix. J’ai fait dix km de trop sur la fin de l’expédition et sans eau !! Ai aussi croisé deux scorpions, deux touristes bloqués par des travaux sur la route, des femmes qui lavaient le linge dans le ruisseau, et des gamins qui se baignaient dans l’eau… tout nus !!! è_é
28 Juillet / premier jour d’ennui : R.A.S... Je joue de la guitare toute la journée. Le seul avantage de l’auberge de Telouet c’est que je mange à ma faim ! Le soir : insomnie, dormi que deux heures, il fait une chaleur infernale !
29 juillet: taxi à 5h30 du mat’ (merci mon Dieu !!), agglutinés à 9 dans une voiture à 6 places maxi -_-' et bonjour l'odeur, je sers d'oreiller à mon oncle, trois barrages policiers (en cas de problème, il suffit de mettre la main au portefeuille). Arrivé a Ouarzazate, coup de fil de grand-père, demi tour. Aujourd’hui c’est Marché, aucun sourire, clients et marchands énervés, chacun pour soi.
30 Juillet: je dors toute la journée ou lis Le seigneur des anneaux, dans une pièce sombre, alors que ma famille s’amuse… ils sont tous partis au désert sans moi !!! T_T
31 Juillet: Vendredi, prière. Des fourmis se sont infiltrées dans ma boîte de biscuits, des provisions en moins ...
01 août : Chuis sûr que le chaton est une femelle, y a qu'une femelle pour être aussi chiant: elle veut pas se laisser caresser, mais me suit partout, elle sait pas ce qu'elle veut ! Rencontré un serpent sur le chemin (en allant chercher ma sœur chez mes grands-parents maternels pour aller ensemble au cyber à Marrakech) en attendant qu'elle se prépare : deux heures passées en compagnie de mon grand-père, silence lourd, embarrassant, aucun échange, peut même pas sortir mon livre (qui ne me quitte pas) ça serait irrespectueux. Tout compte fait ma sœur ne veut pas partir -__- : - "Pourquoi ?" - "Parce que y’a un truc ici ce soir que j’veux voir". Dégoûté. Rien dans ce village paumé ne vaut une connexion internet… J'ai enfin caressé le chaton !
02 août : vu la fin de gladiateur a la tv (jamais vu en entier encore), une partie du tournage de ce film a été fait à même pas 500 mètres d'ici ! Le chat a miaulé à l'aube, tout le monde énervé, je découvre qu’un voisin a le net, enfants qui me reluquent, leur ferme la porte au nez alors que chuis même pas chez moi.
03 août : départ pour Marrakech a l'aube, mon frère roule comme un fou, i pleut !!! O_O 04 août : déjà de retour. Sujet de conversation du jour : choix du prénom d'un nouveau né. Le vieux tranche : Haffsa. Pleut quelques secondes, tome 1 du Seigneur des anneaux fini. 05 août : Repars a l'aube pour Marrakech, partis chez le notaire avec une famille du 93, le petit de la famille m'a chauffé les oreilles ! Je hais les gosses. Père en panique par la conduite de mon frère, insulte les automobilistes pour leurs clignotants ou autres alors qu‘habituellement c’est à peine si on entend sa voix : il a pris un coup de jeune ! XD
06 août : Y’a un Maire ici ?? O.O R.A.S, Tome 2 presque fini. Oncle du 92 arrivé, beaucoup de vent, grand père paternel (99 ans) ne veut pas se faire oublier aujourd'hui : nous appelle toute la journée, comme un disque rayé. Chuis malade, j'ai l'impression de me liquéfier à cause de la faim et du soleil. Ma sœur pourtant me lance la remarque "T’as pas grossi ?", me suis cassé une molaire en mangeant de la viande, cuite en brochette toute calcinée, miam miam…
07 août : Lecture, cyber, film "Stay alive" le soir à la tv en anglais à une heure du mat‘, dors donc chez mon oncle, vendredi.
08 août : Tout le monde est hilare au matin, on me raconte que mon père est passé à l'aube pour la prière, et il a réveillé tout le monde sans me trouver. R.A.S.
09 août : deuxième jour sans réveil à l'aube, on m'a pris mes chaussures ! c'est toujours pareil, on me fait le coup tous les ans. Mon père part pour Marrakech, il me passe les clefs de la chambre puisque je reste seul à la maison, cyber 3h impayé.
10 août : j'ai enfermé les clefs dans la chambre (elle se ferme par un cadenas), plus moyen de s’isoler maintenant, de très mauvaise humeur : les femmes papotent et parlent de moi !! Père de retour… Ouf ! La chambre est de nouveau ouverte.
11 août : mal à la main depuis plusieurs jours sans y avoir fait attention, jusqu'à ce que ce matin je la heurte « violemment » contre mon oreiller, attelle système D: deux bout de bois et un tissu, sert plus de rappel que de maintien, pars pour Marrakech. Juste avant de partir mon père et mon grand frère se disputent : mon frère veut rentrer plus tôt en France pour des soucis administratifs. Et tout à coup, mon père ne veut pas me laisser partir à Marrakech sans raison, je fais la sourde oreille. On est prêts pour partir jusqu’à ce qu’on entende un cri strident, mon frère ressort de la voiture (mais c’est quand qu’on va partir ?!) c’est ma sœur qui a été effrayée par un ridicule petit scorpion … tome 2 fini.
12 août : arrivé au milieu de la nuit à Marrakech, cyber toute la journée, ma tante se plaint que je lui parle pas, chuis xénophobe peut-être, se raconte des souvenirs, a mis le livre au frigo sans faire gaffe, départ le soir avec ma tante, allongé sur la banquette arrière : plein de virages, reflux du sang, phare réparé par un mécanicien en 15 sec top chrono alors que mon frère s'acharne dessus depuis ce matin.
14 août : On m'annonce qu'on part définitivement ce soir ! Mince j‘ai pas fais de photos pour mon cousin, comme il me l‘a demandé ! A défaut d’appareil photo, j’emprunte le portable de ma sœur. En plus j’ai pas fait trop d’exercice depuis l’expédition à Telouet ! Donc pour faire d’une pierre deux coups, je vais faire un peu d’escalade. Arrivés là haut, je trouvé une chèvre toute ratatinée - une vrai momie - dans une crevasse ... (et hop ! Une photo, une ! Xd), par contre j'ai bien failli avoir le même sort T_T Après avoir fait plein de photos, je redescends par un raccourci pourri : une mauvaise prise, une chute libre de quelques mètres, de quoi donner le vertige même à moi ... Au crépuscule, chuis allé voir mes amies les chauves-souris (j'ai pu faire qu'une photo de l'entrée de la grotte, plus de batterie âpres -_- ) jambes flageolantes, peur d'une pierre qui se détacherait encore une fois, reste bloqué, position fauteuil pendant une éternité, pierre qui me rentre dans la peau mais plus de sensation de douleur à cause de la panique, j’écris le temps de me calmer un peu et retenter le coup, plus mal au poignet O_O, bras fatigué, j'ai du mal à faire des photos maintenant, dois aller au village d'en face pour dire au revoir a la famille maternelle, lait d'adieu pour le chat.
15 août : j'ai eu chaud !! O_o Tout a l'heure chuis parti du cyber en vitesse : j'ai fermé tout mes fenêtres, normal, mais quand chuis allé sur messenger pour me déconnecter, j'ai fais "close" au lien de "sign out" (moi, l'anglais, c'est pas mon truc ... ) heureusement que chuis revenu dans le même cyber et sur le même poste. Je passe toute la journée au cyber, et ce n’est qu’à 00h30 qu’on arrive à me mettre à la porte.
16 août: déjeuner chez des gens (de la famille, ou des amis … je sais plus), discussion sur le complot des médocs algériens, ou sur la mort des proches (c’est pas un sujet tabou de parler ca à table -_-), n’empêche leur viande est excellente !!
17 août : Da Vinci code fini. Mon père a acheté sa marchandise, nous reste plus qu’à la charger dans le camion et mettre les voiles.
18 août : Toujours pas en route pour la France : on est pris en otage par une famille pour le dîner. Ca rediscute de la mort des proches, à croire qu’ils adorent ca…
19 août : Arrivé à Casablanca pour voir de la famille, puis à je-sais-pas-où pour y passer la nuit.
20 août : On est enfin en Espagne ! Il y a un nouveau gadget au port : un scanner géant pour les camions !
21 août : on a crevé vers les deux heures du matin, le pneu est complètement éclaté, me blesse à la main en la changeant.
22 août : Enfin de retour en France, découvre la paranoïa de la grippe A, premier réflexe : aller voir mon meilleur pote, Julien, pour lui apporter sa commande de pierres de l’Atlas. Et passer le temps au centre commercial ! J’ai la voix bizarre : j’ai quasi pas utilisé mes cordes vocales de tout l’été. Le sale cabot de mon voisin est toujours là pour m’aboyer dessus, mon fidèle vélo bien à sa place dans la cour, et mon vieux lit « chéri » prêt a me tordre le dos à la nuit tombée… Heureux de revoir que tout est resté comme avant.
Bravo pour ce récit vivant et réaliste, on s'y croirait!
Rédigé par : Helene | 17 décembre 2009 à 22:51